La France a été condamnée, jeudi 14 janvier, par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire qui l'opposait aux éditeurs du général Aussaresses. Au coeur de la bataille, la question de la torture en Algérie. Xavier de Bartillat, l'un des deux éditeurs de Services spéciaux Algérie 1955-1957 (Perrin), ouvrage à l'origine de l'affaire, se réjouit de cette décision.
En 2002, vous aviez été condamné par un tribunal français pour apologie de crimes de guerre ou complicité, à 15 000 euros, décision qui avait été confirmée en appel. Strasbourg vient de désavouer ce jugement et vous a donné raison...
Au bout de sept années, l'histoire l'emporte sur l'hypocrisie moralisante. C'est une victoire contre le politiquement correct et l'historiquement correct. Oui, un éditeur peut publier un ouvrage qui décrit la torture en Algérie. Le témoignage du général Aussaresses disait des choses désagréables, mais il avait le droit de les écrire. On a voulu se voiler la face au nom de l'émotion. Aujourd'hui, la justice européenne nous dit que nous avions raison : il y a bien eu une chaîne de responsabilité, du plus haut niveau de l'Etat aux exécutants, qui a mené à la torture en Algérie. Quarante ans après les faits, on peut donc ouvrir ces placards douloureux de notre mémoire.
Cet arrêt de la Cour européenne vous rassure-t-elle en tant qu'éditeur ?
C'est fondamental : on nous reconnaît la liberté d'exercer notre rôle d'éditeur d'histoire. Perrin est une maison dont le sérieux n'est plus à démontrer depuis de longues années. La justice française nous avait traité comme si nous avions voulu faire un simple « coup » éditorial, alors que nous avions soumis le livre du général Aussaresses à un comité d'experts. Ce livre restera comme un accélérateur de travail de mémoire.
Le livre va-t-il être réédité ?
Je pense le publier en poche, dans notre collection Tempus, assorti d'un texte d'un historien qui pourrait éclaircir le propos du général Aussaresses.